Laissez passer l'homme libre ...
- Par sunyatazenconseil
- Le 12/09/2010
- Dans Des hommes et des dieux
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Tout comme la vie, la liberté de l'homme sincère est chose instable et délicate, elle doit croître et décroître, s'adapter, supporter des épreuves et bien des transformations pour espérer, un jour, parvenir à sa complète réalisation.
Il en était ainsi de l'existence de ces pères du désert, elle était fragile, tantôt lumineuse et explosive mais le plus souvent sombre et repliée, tantôt proche comme une lanterne tenue en main, tantôt aussi éloignée qu'une étoile dans ce ciel d'orient ...
Le temps aidant ce fut pour ces solitaires une sorte de tourment, qui vint de plus en plus souvent leur rendre leurs méditations, et leurs chants difficiles. Ce n'était pas une émotion violente, puissante et passionnée, ni une révolte, une exaltation de quelques instincts de bas étages, mais plutôt une sensation sournoise et diffuse qui, si elle était dans les premiers temps aisée à supporter - tant la perception était subtile - devenait progressivement torpeur de l'âme, effacement du beau, terrible aiguillon qui transperçait à présent leurs jours et leurs nuits.
Il y a des jours sans rayons de soleil, ni averses, mais où le ciel se replie silencieusement sur lui-même, où il est gris sans être noir, où il fait lourd, sans que cela atteigne la tension de l'orage ; Les jours de ces moine devinrent peu à peu ainsi, de moins en moins le jour ne se distingua de la nuit, même envol et même abattement. Tout s'écroulait paresseusement dans l'inertie de la bêtise humaine qui frappait désormais aux portes du monastère. Ils étaient tristes, car ils s'étaient promis de leur isolement en terre musulmane plus de clarté , un allègement de la vie et un pas vers la grande harmonie fraternelle à laquelle ils aspiraient de toute leur âme.
Leur science de l'esprit semblait les décevoir et les duper, en n'apportant que l'incompréhension, la grisaille d'un vide sans amour et un sentiment d'abandon inépuisable. Ils se sentaient désormais rassasiés de tout, de l'existence pure et simple, de son souffle, et surtout de ces gens qui venaient les voir, pleins de haine et emplis d'eux-mêmes ...
Il me semblait parfois qu'il y avait quelque analogie entre la petite source de la montagne dont une vasque de pierre reccueillait l'eau pour sécouler ensuite en filets d'eau sur le sol rocheux puis disparaître et tarir sur ce sol sec et aride. Toutes ces tensions, ces crises de conscience, ces difficultés à comprendre l'autre, à respecter et à partager, ces égoïsmes petits ou grands, sérieux ou orgueilleux qui confluaient à mon oreille par dizaines, par centaines, inlassablement.
Mais mon oreille n'était pas morte comme ce sol, elle vivait et elle ne pouvait pas éternellement boire, ingurgiter et absorber, elle se sentait lasse, épuisée par cet abus, par ce trop-plein, elle aspirait à voir cesser un jour ce flot de paroles et d'actions médiocres ...
Elle aspirait au silence et à l'oubli.
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