Un lieu

Est-ce qu'il existe, quelque part, un espace, un lieu

Auquel appartenir ?

Un creux autre que la blessure, un repli où guérir.

Est-ce qu'il existe une branche de bras où reposer

Parmi d'autres oiseaux qui ne seraient pas rapaces

Mais eux aussi passereaux ?

Y a t'il quelque part un endroit sans images,

Un endroit nu et chaud de son propre vide,

Une aire de paix, dépouillée,

Où l'on pourrait, où l'on serait autorisé, enfin

A être juste l'ossature de soi

A montrer sans parure, sans donner en pâture

Sans avoir à taire ou à mentir, sans maquillage,

Sans l'épaisseur et l'artifice du langage.

Je l'ai cherché partout et ne le trouve pas

Et j'en pleure de désespoir, en silence, au dedans, parfois.

Faut-il se résigner aux apparences érigées en lois,

A paraître et pourrir de ne pas être simplement, soi.

Est-ce qu'il existe quelque part, cet espace, ce lieu

Où déposer les valises et les armes, et les hardes

La pesanteur, la puanteur, des mots morts de n'avoir été dit,

Osés ?

Où je pourrai être sans craindre les yeux sans le regard.

Où l'on ne jugera ni la couleur de ma voix, ma peau

Mon rire, mon cerveau plein de vent et de grelots,

Où je pourrai déposer l'excès, et ce poids qui m'accable

Des reflets innombrables, greffés à mon dos

Et qui jamais ne me renvoient véritable.

Est-ce qu'il existe quelque part un lieu d'accueil

Qui ne soit que cela ?

Un lieu où je ne souffrirai pas.

John macDermott Photography