Eclat de Lune - Méditation
- Par sunyatazenconseil
- Le 25/11/2012
- Dans Contes et légendes
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Au petit matin, « Eclat de Lune » se réveilla pleine d’une joyeuse attente et plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais été.
« Il y a dans ce lieu pensa-t-elle, une atmosphère de paix que je n’ai jamais ressentie ailleurs, sauf peut-être chez mon ami « Tigre Bleu », dans sa résidence au bord du lac. Je suis si pénétrée de contentement que je redoute déjà l’heure de mon départ d’ici ! Toute la personne de mes hôtes respire une douceur et une sérénité qui les fait aimer à première vue et me donne à croire que je les connais depuis un an et non pas quelques heures. Je me demande quels enseignements va nous donner ce modèle de tolérance et de compassion ; il ne sera pas un maître implacable, si j’en juge par son discours de l’autre nuit, si indulgent à nos erreurs, si différent des austères maximes que j’ai lues dans divers ouvrages ! »
...
Interrompant ses réflexions un serviteur entra dans la chambre et dit : « Mon maître vous attend pour déjeuner dans le jardin, auprès de la fontaine. Venez donc, s’il vous plait, sans trop tarder. » « Eclat de Lune » après une rapide toilette, se rendit, comme on l’en priait au jardin. En compagnie de « Vent des Steppes » et de ses hôtes, elle fit un léger repas en silence sous les ombrages, tandis que – formant un délicieux accompagnement – une mélodieuse fontaine, chassée par le souffle de la brise matinale, rafraîchissait l’air d’une pluie opalescente et diaphane.
Le petit déjeuner achevé, « Dix Mille Années » dit : « C’est dans une pièce du pavillon des grenouilles, que nous commencerons notre étude matinale. Je vous y attendrai dans trente minutes, après avoir rempli d’autres devoirs ».
Tandis que « Vent des Steppes » et la Princesse exploraient au-delà des limites du jardin, les collines environnantes, « Eclat de Lune » se disait ; « Ce sommet couronné de neige, que je suis destinée à gravir un jour, m’apparaît terriblement lointain et presque inaccessible. Je doute fort de l’atteindre un jour, car, maintenant que j’en suis un peu plus proche, il me semble plus éloigné encore qu’auparavant, et sa silhouette paraît plus formidable, vue d’ici, que de ma propre cité. »
Semblant lire ses pensées, « Vent des Steppes », prit le bras de la Princesse et répondit par le sourire : « Ce jour est trop délicieux, souffla-t-il, pourquoi assombrir un cœur léger par le fardeau de craintes qui pourraient bien être que vaines illusions ? »
« Eclat de Lune » rit, et dit, d’un ton approbateur : « Tu parles déjà comme un sage sans avoir eu le labeur de l’étude ; tu sembles doué d’une naturelle philosophie mon ami, de même que l’oiseau a le don du chant. Je crois que « Dix Mille Années » trouvera en toi un élève bien plus capable que moi avec tout mon bagage de lectures – en sorte que si je ne me hâte, tu me dépasseras certainement et toucheras le but le premier ! Mais rendons-nous au pavillon, car faire attendre notre maître serait discourtois, étant donné qu’il nous donne tout et n’exige rien en retour. »
« Dix Mille Années » les accueilla d’un sourire et les pria de s’asseoir jambes croisées sur un coussin rond, le dos droit. Le son de la cloche fût suivi par un profond et inhabituel silence. Après un temps qui parut une éternité aux deux élèves, le Maître prit la parole ;
« S’il était possible que nous éprouvions la somme de toutes les jouissances terrestres, exemptes de leurs désavantages et de leurs douloureuses conséquences, ce plaisir ne vaudrait pas la millième partie de bonheur qui découle du progrès fait dans la pratique de la Méditation ; elle est l’art de frapper le rocher même d’où jaillit la Félicité, qui est en nous, et non pas hors de nous. Si toute joie venant du dehors est soumise à des restrictions, toute joie venant du dedans est pure et illimitée, par conséquent toujours déjà là … présente, que nous le sachions ou non.
D’ailleurs, même la joie du dehors n’est extérieure qu’en apparence ; car, ni la fortune, ni les domaines, ni les mets raffinés, ni les richesses, ni même les amours ne renferment de joie en eux-mêmes : ils ne peuvent que faire surgir une infime parcelle de la joie infinie latente en tout être humain … Les objets perçus par nos sens sont autant de roseaux dans lequel souffle ce musicien qu’est l’Esprit, la Joie étant le vent qui produit le son. Le vent ne saurait entrer de lui-même dans l’instrument, mais il y est appelé par le musicien … Si le souffle et l’habilité du musicien viennent à manquer, le roseau devient aussi inerte qu’une pierre. »
« Dix Mille Années » fit une pause comme pour s’assurer qu’ils le comprenaient puis reprit : « Sachez que la Méditation consiste à identifier son esprit à la Joie inconditionnée qui est en nous, c’est la Réalité s’opposant à l’Illusion du monde … La Beauté et l’Amour absolus sans lesquels on ne saurait l’atteindre, nettoient l’esprit des impuretés, de même que la goutte de rosée doit être tout à fait exempte de poussière pour refléter parfaitement la lune …
Les impuretés ternissent le miroir de l’esprit, ce sont les vues fausses et les émotions qui bouleversent les hommes, et ne leur semblent si riches en douleur que par la vertu de l’illusion. Car, qu’est-ce que le chagrin, sinon l’absence de joie ; et qu’est-ce que l’obscurité, sinon l’absence de lumière ? Le ciel est toujours pur et clair derrière les nuages dans le ciel de notre esprit … Laissez passer les nuages, de sorte que nul ne parvienne à emprisonner la montagne.
Bien comprendre que nul objet ne renferme de joie en soi, comme nul évènement ne renferme de tristesse en soi est la première et la plus précieuse des leçons, celle qui nous délivre de toute illusion.
« Dix Mille Année » fit tinter une petite cloche, salua ses deux élèves les mains jointes à hauteur du visage et se lava en disant ; « Assez pour aujourd’hui, car même si le maître est toujours prêt à enseigner, les élèves peuvent se lasser et perdre le miracle de la transmission de cœur à cœur. Le maître a aussi d’autres devoirs, en sorte qu’il doit vous laisser à vos occupations. »
Ce disant, « Dix Mille Année » les quitta, pour ne plus reparaître qu’avant le diner du soir pour une nouvelle méditation collective dans la salle des grenouilles de plus d’une heure. Méditation silencieuse et immobile, accompagnée du chant des oiseaux et du murmure du vent dans les ramures … Baignée de l’atmosphère douce et bienveillante que prodiguait généreusement la majestueuse posture de « Dix Mille Années ».
Ce soir là, « Eclat de Lune » calligraphia ce poème :
«Jamais accompli
Et jamais épuisé .
Le confier au nuage,
A la montagne .
Le laisser au dragon
Pour que jamais il ne déchire ,
Le donner au tigre
Pour qu'il en garde le secret
L'abandonner au vent
Pour qu'il le chante à la lune
Et préserve son souffle.»
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