nomiya
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SUKIYA ou la chambre de thé
- Par sunyatazenconseil
- Le 17/10/2014
- Dans NIHON
- 2 commentaires
Wa Kei Sei Jaku
Petite Chronique japonaise by Nomiya-san
Sukiya peut signifier Maison de la Fantaisie , Maison du Vide ou Maison de l’Asymétrique.
Dans la chambre de thé, tout semble irréel. L’espace vide se prête librement à toutes les mises en scène . C’est un espace qui n’est pas figé dans la durée . Il n’est pas organisé, ce sont les rituels accomplis autour du thé qui créent l’émotion, qui lui donnent sa respiration. Chaque objet se présente isolément et distinctement au regard, et néanmoins dans une simultanéité avec un autre qui présente des caractères opposés.
Aucune forme, aucune couleur, aucun dessin ne doit s’inscrire dans la répétition Un bol noir ne peut voisiner avec une boîte à thé noire. Une fleur fraîche dans un vase interdit la présence d’une peinture de fleur. Si la bouilloire est de forme ronde, le pot à eau sera angulaire. Rien ne doit se répéter. Tout doit évoquer une infinité de mondes minuscules qui se confrontent, coexistent, s’harmonisent dans une tension dramatique.
Chaque élément se prolonge dans un autre qui vient le compléter , dans des variations infinies, comme des notes de musique. Entre chaque élément , est un vide qui sollicite l’esprit et le rêve . Ce que l’on croit qui nous manque , c’est ce qu’on doit chercher encore , qui n’est pas déjà apparu. Au Japon, on évoque alors le ma, lieu vide où toutes sortes de phénomènes apparaissent et s’ordonnent librement.
L’esprit du thé surgit dans un monde flottant entre les signes.
La chambre de thé se présente comme une scène de théâtre Nô. Elle est vide, elle attend ses acteurs , elle attend de vivre son drame.
Entrer dans la chambre de thé suppose de franchir l’engawa. C’est une zone frontière appartenant à deux espaces à la fois sans les séparer vraiment. C’est aussi le ma , le vide ou l’intervalle entre deux mondes qu’il faut franchir, comme un pont, comme une marge. L’engawa est à la fois la frontière qui sépare et la ligne qui relie ces deux mondes, l’avant et l’après, le proche et le lointain , le dedans et le dehors, le yin et le yang.
Entrer dans la chambre de thé, c’est aller de l’ombre à la lumière, et de la lumière dans l’ombre. L’or n’est jamais plus beau que lorsqu’il se révèle au milieu des ténèbres. Ainsi se révèle l’esprit du thé, l’espace vibre et frémit, suspendu dans l’instant comme un vertige.
L’esprit du thé déferle de la bouilloire dans le bol,
et du bol à la bouche,
envahit le corps.
Une vie entière contenue dans un unique instant.