N I H O N

Je marchais au milieu des rouges torii

Parmi les jizo ça et là tapis

Murmurant je ne sais quelles étranges paroles

Et je m'asseyais au milieu des idoles

Les bonzes passaient en traînant leur silence

Et pensaient : Qu'est-ce donc que cet être qui songe ?

Et le jour, et le soir, et l'ombre qui s'allonge

Et l’étoile divine, qui pour moi jadis étincela

Tout avait disparu que j'étais encore là

Et je vous jure que par moment, je distinguais

Une lueur dans ce noir de jais

Joyeux Noël, cierge

Comme une lumière d’âme

Voilà pourquoi je la réclame

Et m’enflamme !

Vous seule savez, n'est-ce pas ? Que ce n'est point ma faute

Si, depuis dix mille ans, pauvre cœur-esprit sans flambeau

Je ne suis pas allé crier tout là-haut

De peur que le vide ne me ligotte

En fait ! J’ai tout fouillé. J'ai voulu voir le fond

Pourquoi la joie en moi avec la tristesse se confond

J'ai voulu le savoir.

J'ai demandé : Que faut-il croire ?

J'ai interrogé la lumière, et l'envie, et l’espoir

Questionné le sage, et le fou et le passeur

Et l'amour, et l'âme et sa noirceur

Qu'ai-je découvert ? J'ai, ébahi, tout saisi sans rien prendre

J'ai vu beaucoup de fruits et fait tout plein de cendres

Qui suis-je ? Que veut dire cela ? Toujours ?

J'ai tout enseveli, songes, espoirs, amours

Dans le temple que j'ai bâti en ma poitrine

Qui donc a la connaissance ? Où donc est la doctrine ?

Oh ! Que ne suis-je encore le rêveur d'autrefois

Qui se perdait dans les livres comme dans les bois

Qui marchait insouciant, le soir, quand le ciel flamboie

Tenant par la main une belle orientale

Qui emplissait l’azur d’un parfum de santal.

 

Ô kami, tout cela, c’était donc du bonheur ...

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