Qui se soucie de cela?
- Par sunyatazenconseil
- Le 31/07/2017
- Dans ZEN
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Observez votre esprit, observez-vous vous-même avec toute l’énergie attentionnée dont vous êtes capable
Ramenez la concentration sur la posture, épaules basses, dos droit, pesant de toute votre densité sur le zafu, stable, paisible, immobile et silencieux. Cherchez à vous é-tendre, à vous dé-tendre à l’infini entre terre et ciel. Trait d’union entre ce qui est « en haut » et ce qui est « en bas », entre macrocosme et microcosme, entre alpha et omega …
Zazen c’est être totalement présent à soi-même.
Elles apparaissent avec des mots, elles se nourrissent d’autres pensées dans une boucle perpétuelle, de souvenirs, d’images, de perceptions, d’impressions, etc …
Observez-les, mais ne restez pas sur elles, laissez passer, vraiment laisser passer c'est important, ne cherchez pas à contrôler la pensée avec la pensée.
La présence à l’instant n’est pas affaire de volonté, mais de douceur, de délicate attention, de tendresse envers vous-même (tendre vers vous), il s’agit là d’une pratique qui se trouve au-delà de votre propre conscience - vous n'avez pas idée à quel point - au-delà du par-delà des pensées et des mots …
Souvent dans les débuts de la pratique nous voulons exprimer ce que nous ressentons, à l’identique de ce disciple éloigné qui écrivit un jour à son maître ;
- « En zazen, mon esprit devient vaste et j’éprouve un sentiment profond d’unité ».
Après avoir jeté un œil et pour toute réponse, le maître froissa la feuille et la jeta. Bien sûr ce qu’écrit le disciple est juste, et nous pensons que zazen va nous ouvrir les portes de quelque chose de nouveau, un état particulier, une sorte de transcendance, mais avec notre mental, nous ne pouvons rien trouver …
Comprenez-vous ce rien?
Il s’agit là d’un égarement de plus, le monde de la pensée est limité, et lorsqu’il est abandonné pour ce qu’il est – c’est-à-dire – un reflet (aussi chatoyant soit-il) alors le monde de Bouddha apparaît.
A nouveau le maître reçut une lettre du disciple, elle disait cette fois ;
- « J’ai finalement découvert que l’essence de chaque chose est vide ».
Le maître de nouveau dépité jeta la lettre. Ce n’est pas que le disciple ait tort, mais croire que le mental peut saisir le vide est une erreur. Si, comme l’a écrit maître Eno, célèbre patriarche du zen , le vide illimité de l’univers est capable de contenir des myriades de phénomènes, comme les innombrables galaxies, le soleil, la lune, les océans et les montagnes, les hommes bons et les hommes mauvais, y compris donc, vous, y compris le vide de votre nature propre … comment le mental par nature limité pourrait-il appréhender tout cela ?!?
Assis là en zazen face aux phénomènes, aux pensées, aux sensations, impressions, etc , nous ne ressentons plus ni attraction, ni répulsion, alors notre nature fondamentale se révèle d’elle-même aussi vide que l’espace infini qui englobe toute chose sans exception aucune.
C’est là l’enseignement inaudible de zazen. Nous savons alors qu’alors que notre véritable visage est sans forme, silencieux, impersonnel, vide, sans ego. Pour ceux et celles qui re-co-naissent cela dans leur pratique, c’est le monde sans séparation qui s’ouvre à eux, ce n’est pas quelque chose d’inaccessible, c’est la Réalité de chaque instant, c’est là, proche de nous, incroyablement intime, c’est le moment présent la totale présence à soi-même.
A nouveau, le disciple écrivit au maître et déclara avec enthousiasme ;
- « Le mystère de l’Un et du multiple vient d’être révélé à mon regard ébloui ». Le maître hocha la tête et jeta la lettre.
Celui qui pratique sincèrement face au mur finit par comprendre que le monde entier est l’unique corps de Bouddha. Les reflets, les milliards de phénomènes ne sont qu’apparence. Ils apparaissent et disparaissent dans une ronde perpétuelle et à chaque fois nous les croyons vrais. Nous nous attachons à ces illusions et nous souffrons.
Ce corps illimité du Bouddha qui contient tout, absolument tout, tous les objets, aussi grands soient-ils, aussi petits soient-ils est vide, ku (en japonais), sunyata (en sanscrit).
Rien ne peut-être saisi.
Mais le vide, la vacuité n’est qu’un mot de plus, insaisissable par les yeux, les oreilles ou les mains il peut être cependant re-connu et re-co-naître ce vide, c’est faire cesser l’illusion d’un moi qui sait.
Quand le vide est réalisé, dit le sage, jetez le vide.
Une nouvelle fois le maître reçut une lettre, elle disait ;
- « Personne ne vit car l’ego est inexistant ». Le maître leva les yeux au ciel au comble du désespoir, semblait-il.
Dans un sens le disciple a raison, s’il n’y a plus ni distinction, ni séparation entre soi et les autres, entre soi et la vie, mais qui clame que le moi a disparu? S’il n’y a plus de moi, d’ego, de naissance ou de mort, de conditionnement, d’attachement et donc de souffrance?
Qui voit cela?
Qu’est-ce-que l’esprit? L’esprit est insaisissable. L’esprit est tout ce qui est. Comprenez-vous "tout ce qui est"? Sans exception.
Zazen pointe directement l’esprit vide de tous les phénomènes, et pourtant cela ne détruit pas forcément la fascination que nous avons pour les reflets, les apparences.
Zazen ne remet pas toujours en cause la certitude que nous avons d’être quelqu’un, tant nous sommes séduits par l’ego.
Cette illusion d’un ego réel enchaîne l’être humain à la souffrance, car l’ego veut toujours obtenir quelque chose, créant ainsi le karma, la rétribution de nos actes en bien ou en mal, l’ego est soit dans le passé, soit dans l’avenir, il redoute l’instant présent car il cesse d’exister.
Alors, le disciple écrivit à son maître ;
- « Personne ne meurt, personne ne naît, car l’ego est inexistant. » Et de nouveau le maître fut fortement déçu par cette réponse. Puis les mois passèrent, finalement une année entière s’écoula sans nouvelle du disciple.
Le maître pensa qu’il était temps de rappeler au disciple son devoir de l’informer de l’avancement de ses progrès spirituels.
Le disciple répondit peu de temps après ;
- « Mais qui se soucie de cela? »
En lisant ces mots le maître eut un grand sourire.
Ainsi face au mur, il ne faut pas se battre contre ses pensées, ses rêves, ses illusions. Laissez les apparaître et disparaître, ne vous en occupez pas. Votre posture, ici et maintenant est la vie elle-même faisant zazen.
Pas besoin de chercher ailleurs. Vivez votre vie comme elle vient, elle n’est qu’un reflet que crée l’esprit lui-même. Que peut faire un reflet sinon refléter l’esprit lui-même?
Qui se soucie de cela?
Gregory Colbert Art
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