Perception et action
- Par sunyatazenconseil
- Le 18/10/2012
- Dans Contes et légendes
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Maître Deshimaru aimait raconter l’histoire de ce jeune bushi venu pour perfectionner l’art du sabre auprès d’un maître fameux. Ce dernier lui demanda pendant toute une année de seulement marcher dans le dojo, le long des tatamis, posément, lentement avec attention - Comme nous pouvons le faire nous-mêmes en kin hin. La seconde année, même chose ; ajuster sa respiration au pas réalisé en toute conscience, et faire d’interminables et fastidieuses trajectoires. Troisième année ; pareil. N’y tenant plus le guerrier brûlant d’impatience finit par s’exclamer :
- « Senseï ! Allez-vous enfin m’apprendre votre science du sabre ?!»
Alors le maître sans mot dire le conduisit au bord d’un précipice, là, il y avait une vielle planche de bois qui servait de passerelle.
- « Maintenant, traverse ! » ordonna le maître.
Le jeune apprenti n’osa pas traverser, alors le maître d’armes lui dit ;
- « Pendant toutes ses années, tu as simplement marché au bord du tatami, pas après pas. Ici, c’est pareil ! »
L’élève ne bougeait toujours pas. Dans le silence qui s’ensuivit un aveugle arriva et sans hésitation, s’aidant de son bâton qui frappait régulièrement le bord de la planche, il franchit d'un trait le précipice.
Alors le jeune bushi regarda le maître comprit la leçon et traversa à son tour. Depuis ce jour, le maître l’enseigna complètement.
Ce ne sont pas toujours les circonstances de la vie qui sont source de difficultés mais la perception que nous avons d'elles. Pour nous ouvrir à une dimension plus tranquille, plus vaste et plus joyeuse, il nous faut bien comprendre ce qui nous attache au monde de l’expérience. Bouddha n’enseignait pas à se voiler la face où à fermer les yeux – nous ne fermons pas les yeux en zazen – il ne s’agit pas de se couper de ses perceptions, mais d’en prendre pleinement conscience. Pas seulement pour la vue (avec cette histoire de précipice), mais aussi pour tous les organes des sens, le nez, la langue pour le goût, le corps pour le toucher et bien sûr le mental pour les pensées.
Bouddha enseignait grâce à la méditation, à la pratique, il enseignait la connaissance du contact. Qu’est-ce qui se passe en moi dès le contact, qu’il soit olfactif, visuel ou autre peu importe, avec les objets des sens ?
Par exemple est-ce que je vois telle situation dans sa réalité brute ou est-ce que je la déforme par tous mes présupposés, mes projections ou mes désirs. Quel genre de « choses » intérieures cette fois surgissent-elles, images, pensées, émotions au moment du contact ?
Ici, nous nous concentrons, en zazen, en kin hin, sur nos perceptions, et c’est complètement la pratique de la voie - Butsu Dô - et tout comme la marche du jeune samouraï dans le dojo, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une étape. Mais c’est aussi, à chaque instant, ici et maintenant, l’occasion d’éveil. Peut-être pas le sublime et grandiose éveil, mais comme disait Deshimaru un petit satori, la vie est pleine de petits satori, de petits éveils, de petites portes, de petits accès à une dimension plus grande, un espace toujours en deçà de notre quotidien souvent inodore et blafard, une dimension non cachée, peut-être voilée, mais non inaccessible, proche, intime, subtile … Infiniment subtile.
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